Chapitre 2. Le test d’écoute dichotique

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2.1. Les débuts de la situation d’écoute dichotique

Lorsque nous évoquons l’expression « écoute dichotique », nous l’assimilons assez rapidement au moyen d’étude de la latéralisation et de la spécialisation hémisphérique des fonctions cognitives. Le mérite de cette découverte revient à Kimura (1961, 1967), qui, la première, observa un phénomène d’asymétrie de réponse entre l’oreille gauche et l’oreille droite en situation d’écoute dichotique de stimuli verbaux. Typiquement, la situation d’écoute dichotique consiste à faire entendre en même temps à un participant deux stimuli différents, un dans l’oreille gauche et un autre dans l’oreille droite, puis à demander au participant de reporter le stimulus le mieux perçu.

Toutefois, comme l’écrit Kimura (1967), il ne faut pas oublier que Broadbent (1952) est le réel initiateur de l’écoute dichotique. Dans ses travaux princeps, Broadbent n’avait pas pour objectif d’effectuer une mesure de la latéralisation cérébrale, mais plutôt d’évaluer le rôle et le fonctionnement du système attentionnel dans le traitement des informations, et plus exactement d’étudier la dimension sélective de l’attention. Avec cet objectif, Broadbent proposa à ses participants d’identifier une suite de chiffres présentée auditivement de deux manières différentes. En premier lieu, la même suite de chiffres était présentée en même temps dans les deux oreilles, alors qu’en second lieu deux listes de chiffres étaient présentées simultanément dans chaque oreille, i.e., les participants entendaient en même temps un chiffre différent dans chaque oreille. Cette seconde partie d’expérience renvoie à la première tâche d’écoute dichotique créée par Broadbent.

Kimura (1967) a fait évoluer la tâche d’écoute dichotique vers la mise en place d’un véritable paradigme. En s’appuyant sur les résultats obtenus par Broadbent (1952) et l’observation d’une asymétrie des réponses des participants entre leur oreille gauche et leur oreille droite, Kimura a entrepris une série de recherches dont l’objectif était de montrer les apports de la situation dichotique dans l’étude de la latéralisation hémisphérique, un domaine d’étude en plein essor dans les années 1960. À partir de ses premières recherches auprès de patients souffrant d’épilepsie, Kimura (1961, 1967) a observé que des patients manifestant une spécialisation hémisphérique droite du langage (détectée au préalable avec le test de Wada, 1949) présentaient un avantage de l’oreille gauche (left ear advantage, LEA) pour identifier des listes de chiffres en situation dichotique, alors que des patients avec une spécialisation hémisphérique gauche du langage présentaient un avantage de l’oreille droite (right ear advantage, REA) lors de l’identification de ces mêmes stimuli. Toutefois, des observations avec des adultes sains ont montré que la majorité des individus présentaient un avantage de l’oreille droite en situation de détection de stimuli verbaux. Dès lors, en s’écartant des intentions initiales d’étude des mécanismes attentionnels de Broadbent, la situation d’écoute dichotique est devenue un paradigme d’étude de la spécialisation hémisphérique.

2.2. Un paradigme d’étude de la latéralisation hémisphérique

2.2.1. Le modèle structural de Kimura (1967)

Le modèle structural de Kimura repose sur les phénomènes fonctionnels de conduction du message nerveux auditif. En situation d’écoute diotique, i.e., lorsqu’un individu entend de manière binaurale un stimulus identique dans les deux oreilles, le message nerveux auditif est transmis aux deux hémisphères cérébraux via les fibres controlatérales et ipsislatérales, telles que le représentent les schémas A et B de la figure 5.

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Figure 5. Modèle schématique de la transmission nerveuse lors d’une écoute diotique et d’une écoute dichotique (emprunté à Springer & Deutsch, 2000).

Cependant, la conduction du message nerveux auditif en situation dichotique est, elle, uniquement assurée par les fibres controlatérales. Cette dernière situation provoque en effet une inhibition de la conduction du message nerveux par les fibres ipsilatérales. Par conséquent, un message perçu dans l’oreille gauche en situation dichotique est directement acheminé vers l’hémisphère cérébral droit et inversement. L’asymétrie des réponses observée entre les deux oreilles dans cette situation serait alors expliquée, selon Kimura, par la spécialisation hémisphérique : chaque hémisphère cérébral ne pourrait traiter que des stimuli en accord avec sa spécialisation. Dans le cas de l’identification de stimuli verbaux, le message perçu par l’oreille droite serait directement acheminé vers le lobe temporal gauche, spécialisé pour ce traitement, alors que le message perçu par l’oreille gauche parviendrait au niveau du lobe temporal droit, inadapté pour traiter de tels stimuli. Le stimulus entendu dans l’oreille gauche serait, par conséquent, redirigé via le corps calleux vers l’hémisphère opposé pour pouvoir être traité. Ce mécanisme expliquerait la plus grande facilité pour les participants à identifier des stimuli verbaux dans leur oreille droite (l’avantage de l’oreille droite), en lien direct avec l’hémisphère gauche spécialisé pour le traitement du langage.

2.2.2. Les limites du modèle structural

Si le modèle structural était le seul à expliquer les effets d’asymétrie observés dans les réponses des participants, alors l’avantage observé pour l’oreille droite lors de la détection de stimuli verbaux serait censé rester constant avec le temps. Certaines études évaluant la fiabilité du degré d’asymétrie fonctionnelle, à l’aide des protocoles test-retest, ont pourtant rapporté une instabilité de l’oreille avantagée dans les réponses des participants (Teng, 1981). Les aspects structuraux ne peuvent ainsi à eux seuls expliquer la fluctuation de ces résultats. Ceux-ci semblent dépendre d’autres facteurs tels que la nature des stimuli utilisés, la méthode de recueil des données, ou bien encore les facteurs attentionnels sous-jacents.

2.2.3. Phénomènes de spécialisation hémisphérique en situation d’écoute dichotique

De nombreuses études comportementales, neuropsychologiques et neurophysiologiques ont abordé les phénomènes d’asymétrie cérébrale en situation de perception auditive. Toutes ont rapporté une spécialisation de l’hémisphère gauche pour le traitement de stimuli verbaux (Hugdahl et al., 1999 ; Kimura, 1967 ; Tzavaras, Phocas, Kaprinis, & Karavatos, 1993) et une spécialisation de l’hémisphère droit dans le traitement d’un matériel non verbal (Boucher & Bryden, 1997 ; Bulman-Fleming & Bryden, 1994 ; Erhan, Borod, Tenke, & Bruder, 1998; Hoch & Tillmann, 2010 ; Ley & Bryden, 1982; Mahoney & Sainsbury, 1987). En ce qui concerne les recherches réalisées en situation d’écoute dichotique, les données récoltées ont permis d’observer un avantage notable de l’oreille droite (REA) dans l’identification de stimuli verbaux, tels que des syllabes consonne- voyelle (CV), des chiffres, des mots familiers (Hugdahl & Andersson, 1986 ; Kimura, 1967 ; Mondor & Bryden, 1991, 1992 ; Russell & Voyer, 2004 ; Techentin & Voyer, 2005), attestant d’une spécialisation de l’hémisphère gauche dans le traitement de ces stimuli. La version la plus utilisée du paradigme d’écoute dichotique reste celle de l’identification de syllabes CV, qui a su montrer à de multiples reprises la force de l’avantage de l’oreille droite dans leur détection (Bryden, Munhall, & Allard, 1983 ; Hiscock, Inch, & Kinsbourne, 1999 ; Mondor & Bryden, 1991 ; Studdert-Kennedy & Shankweiler, 1970). D’autres données, obtenues cette fois-ci en situation d’identification de stimuli non verbaux, ont montré, à l’inverse, que l’oreille gauche était beaucoup plus avantagée que la droite (LEA). Ainsi, des émotions (Erhan, et al., 1998; Ley & Bryden, 1982; Mahoney & Sainsbury, 1987) ou bien encore la prosodie du langage, des mélodies (Hoch & Tillmann, 2010; Hugdahl et al., 1999; Obrzut, Boliek, & Obrzut, 1986; Zatorre, Evans, & Meyer, 1994) sont préférentiellement identifiées dans l’oreille gauche. Ce type de stimuli semble favoriser une spécialisation de l’hémisphère droit pour leur traitement.

2.2.4. Développement de la latéralisation hémisphérique

Les premières connaissances de l’organisation cérébrale des grandes fonctions cognitives ont concerné l’adulte (Goodglass, 1993). L’étude de la spécialisation hémisphérique fonctionnelle chez l’enfant est plus récente. L’apport des données de l’imagerie fonctionnelle cérébrale a permis d’observer et de confirmer les connaissances acquises avec l’aide des données neuropsychologiques. L’activation non invasive in vivo de chaque hémisphère cérébral (Habib, Demonet, & Frackowiak, 1996 ; Habib, 2009) ou bien encore l’observation à partir de réalisations de tâches cognitives (Demonet et al., 1992, Habib et al., 1996) ont apporté des éléments de connaissance supplémentaires des phénomènes de spécialisation hémisphérique, notamment dans le domaine du traitement du langage.

Une explication du développement de la latéralisation chez l’enfant, et aujourd’hui très controversée, a été proposée en premier lieu par Lenneberg (1966). À partir d’études évaluant les capacités de récupération d’individus souffrant de lésions d’un hémisphère cérébral (survenues avant l’âge de 2 ans), Lenneberg a conclu que le langage pouvait se développer normalement, quel que soit l’hémisphère lésé, si la lésion était survenue avant l’âge de 2 ans. Des études complémentaires ont en réalité montré qu’une lésion de l’hémisphère gauche très précoce conduisait plus fréquemment à des troubles du langage (Curtiss, 1985). Dès lors, les observations recueillies dans de nombreuses études ont plutôt plaidé en faveur de l’hypothèse d’une prédisposition hémisphérique gauche pour le traitement du langage, ce dès les premiers mois de vie. Dès la naissance, le nouveau-né montre, en effet, une asymétrie du planum temporal avec une latéralisation gauche de son activation (Witelson, 1977) suggérant ainsi une association avec l’asymétrie fonctionnelle de l’hémisphère gauche dès le début de la vie. Les données comportementales en situation d’écoute dichotique attestent d’ailleurs de cette spécialisation précoce. Dès l’âge de 2-3 ans, les enfants montrent en effet un avantage de l’oreille droite dans la détection de stimuli verbaux (Kimura, 1963 ; Hiscock & Kinsbourne, 1980 ; Hugdahl, Carlsson, Uverbrant, & Lundervold, 1997). Chez des nourrissons de 3-4 mois, des performances supérieures dans l’oreille droite par rapport à l’oreille gauche ont également été observées lors de tâches de discrimination de stimuli verbaux (Molfese, Freeman, & Palermo, 1975 ; Bertoncini, Bijelac-Babic, McAdams, Peretz, & Mehler, 1989). Ainsi, les données précédentes nous permettent de constater que des phénomènes de spécialisation hémisphérique apparaissent très tôt au cours du développement, et que ceux-ci sont très rapidement observables par le biais du paradigme d’écoute dichotique.

2.3. L’influence des facteurs attentionnels

2.3.1. Une évolution de l’utilisation du paradigme d’écoute dichotique

En réintégrant les premières intentions de Broadbent (1952), plusieurs auteurs se sont ensuite intéressés aux rôles que pouvaient prendre les facteurs attentionnels dans la situation d’écoute dichotique (Hugdahl & Andersson, 1986 ; Mondor & Bryden, 1991, 1992). Pour certains d’entre eux, les mécanismes attentionnels influenceraient, au même titre que la latéralisation hémisphérique, les phénomènes d’asymétrie des réponses observées. Les recherches d’Hiscock et de Kinsbourne (1977) ont participé à l’extension de ce champ d’études.

Dans le but d’évaluer l’effet de spécialisation hémisphérique du langage chez de jeunes enfants de 3, 4 et 5 ans, Hiscock et Kinsbourne ont proposé aux participants de ne détecter qu’un seul des deux stimuli entendus. Pour ce faire, les auteurs ont choisi d’indiquer l’oreille déterminante à l’aide d’une petite peluche positionnée soit à la droite des enfants, soit à leur gauche, et qui plus est, soit avant la présentation des stimuli, soit après leur présentation. Les résultats de l’ensemble des participants ont alors montré un avantage significatif de l’oreille droite (p < .05), quelle que soit la condition d’indiçage. Les auteurs en ont conclu que les facteurs attentionnels, modélisés ici par les conditions d’indiçage, permettaient de moduler les effets de latéralisation hémisphérique observés jusqu’alors, sans l’introduction d’indices d’orientation de l’attention (Hiscock & Kinsbourne, 1977). Pour Bryden (1978), cependant, les facteurs attentionnels ne seraient pas simplement un outil de modulation de la latéralisation hémisphérique, mais seraient plutôt assimilables à des biais attentionnels limitant le rôle structural du traitement. Selon cet auteur, les participants auraient tendance à avoir une attention aléatoire au cours des essais dichotiques, c’est-à-dire que leur attention serait orientée préférentiellement sur une oreille plutôt qu’une autre avant d’entendre les paires dichotiques. Sans un réel contrôle des facteurs attentionnels au sein du paradigme d’écoute dichotique, il serait donc impossible d’évaluer la véritable influence des facteurs structuraux sur les performances des participants (Bryden, 1978).

À travers cet exemple de « divergence » d’opinions entre Hiscock et Kinsbourne (1977) et Bryden (1978), nous pouvons constater que l’appréhension des facteurs attentionnels en situation d’écoute dichotique n’est pas une chose aisée et ne fait pas consensus entre les chercheurs du domaine. Aussi, depuis quelques décennies, plusieurs modèles d’explication du rôle des facteurs attentionnels en situation d’écoute dichotique ont été proposés ; la suite de cet exposé est consacrée à leur présentation.

2.3.2. Les modèles explicatifs

2.3.2.1. Le modèle de Kinsbourne (1970)

Selon Kinsbourne (1970), l’avantage de l’oreille droite observable en situation d’écoute dichotique de stimuli verbaux ne serait pas uniquement dû à des causes structurales, comme le pense Kimura (1961, 1967), mais également, en amont, à une pré-activation de l’hémisphère cérébral gauche impliqué dans le traitement du langage, et par voie de conséquence à une attention plus particulière dans l’hémichamp auditif opposé. Kinsbourne rapporte en effet que l’attention spatiale (visuelle ou auditive) est composée de deux hémichamps, droit et gauche, chacun pris en charge par l’hémisphère cérébral controlatéral, de telle sorte que l’hémisphère cérébral droit est responsable de l’activation de l’attention dans l’hémichamp gauche et inversement. Si ce phénomène est facilement observable dans des espèces non humaines, la latéralisation des fonctions cognitives supérieures, et notamment celle du langage, complexifie cette explication dans l’espèce humaine. Lors de l’identification de mots en situation dichotique, par exemple, les participants s’attendant à devoir reconnaître des stimuli verbaux, activeraient par anticipation leur hémisphère gauche. Cette pré-activation précipiterait à son tour le système attentionnel vers l’hémichamp auditif droit. Pour Kinsbourne, cette différence d’activation entre hémisphères cérébraux créerait un biais attentionnel intervenant très tôt dans la perception et serait à l’origine de l’avantage d’une oreille sur l’autre. Kinsbourne (1970) est parvenu à valider son modèle notamment dans une de ses études, entreprise dans le champ de la perception visuelle. Il a ainsi montré que la répétition subvocale d’une liste de mots était mieux réussie lorsque cette liste apparaissait en même temps dans l’hémichamp visuel droit, plutôt que dans l’hémichamp visuel gauche. Cependant, peu de chercheurs estiment que ce modèle explique à lui seul les phénomènes d’asymétrie observés. Les travaux en imagerie de Corbetta, Shulman, Miezin et Petersen (1995) vont en effet à l’encontre de l’hypothèse de Kinsbourne. À l’aide du paradigme d’indiçage de Posner, ces auteurs ont en effet montré que l’attention portée à l’hémichamp visuel gauche active le lobe pariétal droit, alors que l’attention portée à l’hémichamp visuel droit active autant le lobe pariétal gauche que droit.

2.3.2.2. Le modèle d’Hiscock (1999)

Hiscock et ses collègues (Hiscock et al., 1999) ont expliqué l’avantage d’une oreille sur l’autre grâce à un modèle de sélection de l’information en deux stades, le premier stade étant rapide et automatique alors que le second est plus lent et contrôlé. Le premier stade, qualifié d’automatique, renverrait au premier stade du traitement de l’information. Aux premiers instants de la perception, les stimuli les plus facilement et rapidement traités seraient ceux qui sont transmis à l’hémisphère cérébral adapté. Pour ce premier stade, l’explication des phénomènes d’asymétrie peut être comparée à celle proposée pour les deux modèles précédents. L’avantage d’une oreille sur l’autre peut soit provenir d’un phénomène structural pur provoquant l’activation de processus bottom-up, comme dans le modèle de Kimura (1961, 1967), soit de la pré-activation de mécanismes attentionnels sollicitant dans une plus grande mesure des processus top-down, comme dans le modèle de Kinsbourne (1970). Le second stade de traitement renverrait à l’attention sélective et ferait appel aux processus top-down. Il serait caractérisé par une mise en œuvre plus lente et plus contrôlée et serait initié à partir de l’influence des informations recueillies lors de la première étape (e.g., à partir de la forte imprégnation de l’asymétrie cérébrale). Dans cette seconde étape, en l’absence d’évènements externes ou de tout autre facteur attentionnel contraignant la perception, le traitement resterait influencé par la seule asymétrie cérébrale. Dans le cas de l’identification de stimuli verbaux, ceci provoquerait par conséquent un avantage amplifié de l’oreille droite.

2.3.2.3. Le modèle de Hugdahl (1999)

En comparaison avec les modèles précédents, Hugdahl et ses collègues (Hugdahl & Andersson, 1986 ; Hugdahl et al., 2009) ont accordé une importance particulière et novatrice aux facteurs attentionnels. En effet, selon ces auteurs, l’introduction d’une demande attentionnelle au sein de la situation d’écoute dichotique génèrerait un conflit cognitif. Tel que l’illustre la Figure 6, un fort conflit cognitif est effectivement induit lorsqu’il est explicitement demandé à un individu (au moyen de consignes verbales) d’identifier volontairement les stimuli verbaux perçus dans son oreille gauche, oreille non spécialisée pour ce traitement, et d’ignorer les stimuli verbaux perçus dans l’autre oreille (Hugdahl et al., 2009). L’individu doit outrepasser sa tendance naturelle, guidée par des processus bottom-up, à identifier les stimuli entendus dans l’oreille droite.

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Figure 6. Exemple de conflit cognitif en situation d’écoute dichotique.

Pour identifier le stimulus cible « BA » à la suite d’une orientation préalable de l’attention vers son oreille gauche, le participant doit ignorer la perception du stimulus «PA» analysé directement par l’hémisphère cérébral gauche via les voies controlatérales (voies représentées en rouge) afin de traiter l’autre stimulus, dont l’analyse est moins évidente, car transmise à l’hémisphère

cérébral gauche via le relais calleux (voies représentées en bleu) (emprunté à Saetrevik, 2008).

Hugdahl et al. (2009) ont alors démontré l’importance que pouvaient prendre les facteurs attentionnels dans le traitement de l’information en approfondissant et en opérationnalisant le modèle en deux étapes d’Hiscock (1999). Pour ce faire, ils ont recouru à un protocole expérimental scindé en trois phases différentes, le paradigme d’« attention forcée ». Au cours de la première phase, dite d’attention non forcée (NF, non-forced), les participants doivent identifier le stimulus le plus saillant de la paire dichotique. Dans les deux phases suivantes, d’attention forcée (i.e., à l’oreille droite et à l’oreille gauche, FR, forced- right ou FL, forced-left), il est explicitement demandé aux participants de ne prêter attention qu’au stimulus survenant dans l’oreille préalablement indiquée, et ce pendant plusieurs essais consécutifs. La comparaison des performances entre situation non forcée et situation forcée (i.e., situation d’orientation préalable de l’attention) permet de rendre compte de résultats plus contrastés quant à la force et à la stabilité de l’asymétrie des réponses. Si, pour Hugdahl et al. (2009), l’avantage de l’oreille droite, observé avec des stimuli verbaux, est lié à un effet d’asymétrie fonctionnelle et donc à l’activation des processus automatiques bottom-up, l’ajout de demandes attentionnelles dans l’oreille droite ou dans l’oreille gauche (i.e., de consignes), crée une modulation de ces processus grâce à l’intervention de processus attentionnels top- down.

Par conséquent, pour Hugdahl et collaborateurs, les deux processus attentionnels bottom-up et top-down s’ajouteraient à l’effet fonctionnel et structural de la conduction du message nerveux auditif pour d’autant plus influencer l’asymétrie des réponses entre les deux oreilles. Face à cette double influence, où les biais attentionnels viennent contraster le traitement initial de l’information, l’individu ne peut que redoubler d’efforts pour parvenir à traiter correctement l’information pertinente parmi l’ensemble des deux informations perçues.

Ce dernier modèle, qui est le plus récent, offre une vision tout à fait novatrice de l’usage de la situation d’écoute dichotique. Les situations dichotiques ne seraient pas uniquement une source d’information de la force d’action de la spécialisation hémisphérique, elles permettraient également d’évaluer les compétences de contrôle cognitif des individus. Le prochain chapitre développe plus exhaustivement ce nouveau champ de recherche en abordant ses tenants et ses aboutissants.