5.1. Problématique générale

Les études présentées dans les premiers chapitres de ce travail ont permis d’aborder certaines des multiples facettes des processus attentionnels. À l’instar des travaux précurseurs de James (1890) ou de Broadbent (1952), nous nous sommes particulièrement focalisés dans ce travail de recherche sur l’aspect sélectif de l’attention. Dans le champ de la perception visuelle, Posner (1980) a largement permis de mettre en exergue les mécanismes inhérents à la sélectivité de l’attention. L’orientation de l’attention jouerait un rôle de premier plan pour pouvoir analyser les informations pertinentes. L’application de la tâche d’indiçage de Posner à de nombreuses populations typiques et pathologiques a, par ailleurs, permis d’éclairer l’implication de deux mécanismes d’orientation différents : une orientation de type exogène mise en place très rapidement à la suite de l’apparition de stimuli externes brefs et soudains, et véhiculée via des processus bottom-up ascendants, ainsi qu’une orientation de type endogène activée volontairement par les attentes mêmes des individus, mise en place plus lentement que l’attention exogène, mais active sur du plus long terme, et véhiculée via des processus top- down descendants.

Dans le champ de la perception auditive, les recherches utilisant la situation d’écoute dichotique (Andersson, Reinvang, Wehling, Hugdahl, & Lundervold, 2008 ; Kimura, 1963, 1967 ; Hiscok & Kinsbourne, 1990 ; Hommet et al., 2010 ; Hugdahl & Andersson, 1986 ; Hugdahl, Carlsson, & Eichele, 2011 ; Moncrieff, 2011 ; Obrzut et al., 1999 ; Voyer & Techentin, 2009) ont permis de faire évoluer ce paradigme d’un outil d’étude de la latéralisation hémisphérique à un moyen d’appréhension des mécanismes attentionnels auprès de populations saines et neuro-pathologiques tout au long de la vie, du jeune enfant à la personne vieillissante (e.g., Bouma & Gootjes, 2011 ; Carlsson, Wiegand, & Stephani, 2011 ; Moncrieff & Musiek, 2002; Obrzut & Mahoney, 2011 ; Shinn, Baran, Moncrieff, & Musiek, 2005). Avec le paradigme d’« attention forcée » (Hugdahl & Andersson, 1986), l’investigation de l’influence de l’orientation de l’attention dans les performances d’identification des stimuli dichotiques a connu un essor considérable. Similairement au champ de la perception visuelle (Leclercq & Siéroff, 2012; Müller & Rabbit, 1989; Pearson & Lane, 1990; Wainwright & Bryson, 2002, 2005), il a été montré que l’attention des participants pouvait également être orientée de deux manières différentes au sein de situations d’écoute dichotique : avec l’apparition d’indices sonores brefs et soudains (un « bip » sonore) parvenant de façon monaurale, latéralisée, dans une seule oreille pour chaque essai dichotique et orientant l’attention de manière automatique et exogène, ou avec l’apparition d’indices verbaux (les mots « droite » et « gauche ») parvenant de façon binaurale dans les deux oreilles des participants pour chaque essai dichotique et orientant l’attention de manière volontaire et endogène (Gadea & Espert, 2009; Obrzut, Boliek, & Asbjørnsen, 2006).

Les études entreprises auprès de populations adultes ont montré que l’avantage structural de l’oreille droite, observé lors de l’identification de stimuli verbaux sans condition d’orientation de l’attention particulière, pouvait être modulé grâce aux indices d’orientation. Dans les cas d’orientation vers l’oreille droite, les indices verbaux, comme les indices sonores, améliorent grandement les performances d’identification des stimuli parvenant à cette oreille. Lorsqu’ils orientent l’attention des participants vers l’oreille gauche, les indices sonores et verbaux améliorent les performances d’identification des stimuli perçus dans cette oreille et donc permettent de réduire l’avantage structural de l’oreille droite au profit, dans certains cas, d’un avantage pour l’oreille gauche (Andersson et al., 2008; Hiscock & Beckie, 1993; Techentin & Voyer, 2005). En adoptant la position théorique de Hugdahl et ses collègues (2009), nous pouvons dire, au vu de ces résultats, que les adultes possèdent des compétences cognitives tout à fait efficaces pour résoudre un conflit cognitif créé par la situation dichotique d’orientation forcée vers l’oreille gauche. Que ce soit avec des indices sonores ou des indices verbaux, les adultes parviennent à outrepasser l’avantage structural de l’oreille droite pour identifier les stimuli de l’oreille gauche ; en d’autres termes, pour résoudre ce conflit cognitif, les adultes n’ont aucune difficulté à mettre en place des processus attentionnels top-down pouvant moduler les processus structuraux bottom-up. Qui plus est, la pré-activation préalable de processus bottom-up ou top-down, véhiculée par les indices d’orientation de l’attention, ne semble pas influencer les compétences de contrôle cognitif des participants. Comme cela a déjà été dit, les indices sonores (pré-activant des processus bottom-up) permettent de résoudre efficacement le conflit cognitif généré par la situation d’écoute dichotique, tout comme le permettent les indices verbaux (pré-activant des processus top-down).

Les résultats obtenus avec des populations d’enfants sont plus contrastés (Andersson & Hugdahl, 1987; Andersson et al., 2008; Hugdahl et al., 2001; Obrzut et al., 1999). Avant l’âge de 9 ans, les enfants ne parviendraient à orienter correctement leur attention vers l’oreille indicée que grâce à des indices sonores pré-activant des processus bottom-up (Obrzut et al., 1999). L’étude d’Hiscok et Beckie (1993) rapporte même une apparition de ces compétences dès l’âge de 7 ans. Au-delà de l’âge de 9 ans, les enfants arriveraient à tirer profit des indices verbaux d’orientation de l’attention pour orienter efficacement leur attention et pour leur permettre d’identifier de façon significative les stimuli perçus dans les oreilles indicées, et plus spécifiquement dans l’oreille gauche, lors de l’identification de stimuli verbaux (Andersson & Hugdahl, 1987; Andersson et al., 2008; Hugdahl et al., 2001). Cependant, une des limites majeures de l’ensemble de ces études est que très peu d’auteurs ont tenté d’appréhender l’effet des indices sonores et verbaux sur les performances d’identification de façon simultanée auprès de populations d’enfants. La plupart des recherches ont en effet étudié séparément l’action des indices sonores ou des indices verbaux. À notre connaissance, seuls Obrzut et ses collègues (2006) ont envisagé d’étudier parallèlement l’effet de ces deux types d’indices sur les performances d’identification d’enfants âgés de 9 à 13 ans. Pourtant, la compréhension du développement des mécanismes attentionnels est d’un intérêt sociétal majeur. Le rôle de ces mécanismes dans l’acquisition de nouveaux apprentissages ou bien encore les nombreuses pathologies impliquant des déficits attentionnels font de l’attention un sujet d’étude primordial. L’appréhension du fonctionnement intrinsèque des processus attentionnels au cours de la vie ne peut être minimisée. Ainsi, afin de mieux comprendre le rôle que pouvait tenir l’orientation auditive de l’attention sur le traitement des informations et plus exactement sur l’efficacité du contrôle cognitif, nous avons voulu centrer notre travail sur ce thème afin d’enrichir ce domaine de la recherche et tenter d’apporter des éléments de compréhension supplémentaires.

Dès lors, afin d’appréhender les rôles respectifs des deux types d’avertisseurs et leurs conséquences sur les performances d’identification et de résolution de conflit cognitif au cours du développement, il nous paraît indispensable d’inclure pour chaque étude expérimentale deux procédures différentes ; une première introduisant une orientation de l’attention de type exogène avec des avertisseurs sonores latéralisés, et une seconde introduisant une orientation de l’attention de type endogène avec des avertisseurs verbaux. Ainsi, l’ensemble des recherches que nous avons effectuées au cours de cette thèse propose ces deux situations distinctes pour chaque étude.

Quatre études ont fait l’objet de l’ensemble de ce travail. La première a porté sur une population adulte, afin de constituer une base de référence et de comparaison. Les trois études suivantes ont été réalisées principalement auprès de populations d’enfants. Bien que nous nous soyons intéressés plus spécifiquement à l’effet de l’orientation de l’attention au cours du développement du jeune enfant, une étude comparative auprès d’une population adulte était nécessaire afin d’évaluer la pertinence de notre protocole expérimental et afin d’apporter des éléments comparatifs d’évolution des performances. Comme cela a été souligné dans les chapitres précédents, les performances d’identification des stimuli en situation d’écoute dichotique peuvent être modifiées de différentes façons, via des processus attentionnels (Hugdahl 1995, 2003 ; Hugdahl & Andersson, 1986 ; Hugdahl et al., 2008 ; Mondor & Bryden, 1991, 1992 ; Obrzut, et al., 1993; Obrzut, et al., 2006; Speaks et al., 1981 ; Rimol et al., 2006 ; Studdert-Kennedy, et al., 1970 ; Voyer & Flight, 2001; Westerhausen, et al., 2009). Même auprès de populations d’enfants, la manipulation de processus bottom-up ou top-down engendre la création d’un conflit cognitif de plus ou moins forte intensité au sein de la situation dichotique, modulant alors l’asymétrie des réponses observées. Ainsi, en prenant en compte l’ensemble des études déjà réalisées, nous avons tenté de créer des protocoles expérimentaux contrôlant au maximum ces effets. Certains paramètres ont été directement pris en compte dans le protocole expérimental alors que d’autres ont été testés en tant que variables. Notre but est d’obtenir des situations où, pour chaque enfant, l’intensité du conflit cognitif est identique. Grâce à ces contrôles, nous espérons pouvoir assimiler l’asymétrie des réponses observées aux simples effets de l’orientation de l’attention et non à une action combinée de l’orientation de l’attention et d’autres facteurs (comme l’intensité sonore des stimuli par exemple). Les points suivants abordent d’ailleurs un par un les objectifs spécifiques liés à chaque étude.

5.2. Évaluation du rôle de la latéralisation hémisphérique dans les performances d’orientation de l’attention

5.2.1. Étude 1. Contrôle des performances auprès d’une population adulte

Nous avons remarqué que, jusqu’à présent, la littérature rapporte en grande partie des données recueillies en situation d’identification de stimuli verbaux auprès de populations d’adultes. Dans l’ensemble, ces études décrivent un effet bénéfique des indices verbaux et sonores sur les performances d’identification des participants: en comparant leurs performances à une situation « sans orientation de l’attention » (i.e., une condition d’orientation non forcée de l’attention), les situations orientant l’attention des participants vers leur oreille droite ont toujours conduit à une amplification du REA et les conditions orientant l’attention des participants vers leur oreille gauche à un affaiblissement du REA, voire à un LEA (Andersson et al., 2008; Hiscock & Beckie, 1993; Mondor & Bryden, 1991, 1992; Techentin & Voyer, 2005), ou bien à la même amplification du REA (Asbjørnsen & Hugdahl, 1995).

Cependant, comme l’ont suggéré Mondor et Bryden (1991, 1992), en demandant explicitement aux participants de ne focaliser leur attention que sur une seule de leurs deux oreilles dans le paradigme d’« attention forcée » (Hugdahl & Andersson, 1986), le caractère sémantique des indices verbaux peut avoir provoqué la pré-activation de l’hémisphère gauche et empêché ainsi la manifestation des réels effets des biais attentionnels. Dès lors, nous avons supposé que les situations d’écoute dichotique combinant la présentation d’indices verbaux et de stimuli verbaux surchargeraient l’hémisphère cérébral gauche et dégraderaient les performances d’identification des participants. Nous appuyons cette hypothèse sur le fait que de telles difficultés d’orientation de l’attention et d’identification des stimuli n’ont pas été observées jusqu’à présent au sein de situations dichotiques avec indices sonores (Gadea & Espert, 2009; Voyer & Flight, 2001). Afin d’évaluer cette hypothèse, nous devions créer une situation dichotique ne surchargeant pas l’hémisphère gauche : nous avons donc décidé de proposer à nos participants d’identifier des stimuli traités spécifiquement par l’hémisphère droit. Par ailleurs, les études de Mondor et Bryden (1991, 1992) font état d’un délai optimal d’orientation de l’attention. Les travaux de ces auteurs ont montré que l’introduction de délais de 450 ms environ entre l’apparition d’indices sonores et la présentation des stimuli (SOA) constituait des délais optimaux d’orientation de l’attention. Malheureusement, si l’influence des délais de latence a été confirmée par plusieurs expériences effectuées par ces chercheurs ainsi que leurs successeurs lors de l’apparition d’indices sonores (Gadea & Espert, 2009), trop peu de recherches ont tenté d’évaluer l’effet des délais de latence sur l’efficacité d’orientation de l’attention d’indices verbaux (Obrzut et al., ,2006).

De ce fait, notre première étude a eu pour objectif principal de comparer les données de la littérature obtenues lors de l’identification de stimuli verbaux à nos observations recueillies lors de l’identification de stimuli non verbaux afin de (a) constater de la concordance ou de la non-concordance des résultats, (b) évaluer la pertinence de notre protocole expérimental proposant différents délais de latence, et (c) mettre à l’épreuve l’hypothèse de complémentarité inter-hémisphérique de Kinsbourne et Hicks (1978).

5.2.2. Étude 2. Performances auprès de population d’enfants

La grande majorité des études ayant pour paradigme de recherche la situation d‘écoute dichotique ont évalué les performances de populations adultes, comme nous l’avons constaté jusqu’à présent (e.g., Hiscock & Beckie, 1993 ; Hugdahl 1995, 2003 ; Hugdahl & Andersson, 1986 ; Hugdahl et al., 2008 ; Mondor & Bryden, 1991, 1992 ; Speaks, et al., 1981 ; Rimol et al., 2006 ; Studdert-Kennedy, et al., 1970 ; Voyer & Flight, 2001; Westerhausen, et al., 2009). Cependant, face à cette abondance de données adultes et face à la portée clinique que peuvent apporter les observations auprès de populations plus jeunes, nous avons volontairement choisi d’axer nos études suivantes sur l’évaluation des performances de populations d’enfants. Les recherches antérieures du domaine et axées sur l’enfance (Andersson et al., 2008 ; Arcuili et al., 2010 ; Obrzut et al., 1999) ont montré que l’âge de 9 ans était un âge charnière dans le développement des compétences d’orientation de l’attention. De ce fait, nos études ont toutes eu pour objectif commun d’évaluer les compétences d’enfants dont l’âge chronologique se situait autour de cette étape charnière du développement. Notre travail de recherche est ainsi principalement axé sur l’évaluation des performances d’orientation de l’attention et de résolution de conflits cognitifs de jeunes enfants de plus ou moins 9 ans. Toutefois, la comparaison de nos résultats à une population adulte standard dans l’étude 1, nous servant de ligne de base, était indispensable afin d’évaluer de la pertinence de notre protocole expérimental.

Les études antérieures effectuées auprès de populations d’enfants ont régulièrement rapporté une difficulté d’orientation de l’attention chez de jeunes enfants. En deçà de l’âge de 9 ans, les enfants orientent plus difficilement leur attention de manière endogène (grâce à des indices verbaux) que des adultes ou des enfants plus âgés pour identifier des stimuli verbaux. Ces faibles compétences ne se remarquent pas tant lorsque l’attention des enfants est orientée de manière exogène (grâce à des indices sonores). En nous référant à la théorie de la distance fonctionnelle cérébrale de Kinsbourne et Hicks (1978), nous avons supposé que les indices verbaux traités préférentiellement par l’hémisphère gauche amoindrissaient les performances d’orientation de l’attention et d’identification des stimuli verbaux des jeunes enfants, tout comme celles des populations adultes, en raison d’un phénomène de surcharge hémisphérique. Cependant, après une orientation préalable de l’attention avec des indices verbaux, la présentation de stimuli dont le traitement serait préférentiellement assuré par l’hémisphère droit génèrerait une coopération inter-hémisphérique (Kinsbourne & Hicks, 1978).

De la même manière que notre étude précédente effectuée auprès d’une population adulte et afin de prendre en considération l’effet probable de la surcharge hémisphérique sur les performances d’identification des stimuli, nous avons proposé, dans une seconde étude, à des participants enfants d’identifier des intonations émotionnelles (des stimuli traités à priori par l’hémisphère droit), en orientant au préalable leur attention de deux manières différentes, à savoir de manière exogène avec des indices sonores ou de manière endogène avec des indices verbaux. L’utilisation de ces stimuli a visé à favoriser une coopération inter- hémisphérique entre le traitement des indices de nature verbale et des stimuli de nature émotionnelle (Kinsbourne & Hicks, 1978), et non une surcharge hémisphérique, afin d’améliorer les performances d’orientation de l’attention et de traitement des stimuli. De plus, rares sont les recherches ayant évalué l’influence de ces deux types d’orientation de l’attention concernant l’identification de stimuli non verbaux (Leshem, 2013 ; voir Yiend, 2010 pour une revue critique).

5.3. Étude 3. Réévaluation du protocole expérimental : effet du « lag-effect » entre les avertisseurs sonores et verbaux et la présentation des stimuli

Après avoir étudié le rôle des deux indices d’orientation de l’attention dans les performances d’identification des stimuli émotionnels des enfants, nous avons cherché à comparer nos résultats à des situations d’identification de stimuli verbaux. Bien que nous ayons fait état des nombreux résultats obtenus en situation d’identification de stimuli verbaux, il n’en reste pas moins que ces recherches n’ont que très rarement comparé simultanément l’effet des deux indices d’orientation ainsi que l’effet des délais de latence entre indices et paires dichotiques sur les performances des participants. Notre objectif était donc ici de comparer les données recueillies à nos résultats précédents ainsi qu’à ceux de la littérature existante afin (a) d’une part, d’évaluer la solidité de l’hypothèse de la distance fonctionnelle cérébrale (Kinsbourne & Hicks, 1978), et (b) d’autre part, de déterminer le rôle des délais de latence dans les performances d’orientation de l’attention.

En demandant explicitement aux participants d’orienter au préalable leur attention (avec des indices sonores et verbaux) sur une seule de leurs deux oreilles, ce choix méthodologique a permis de contrôler au maximum l’effet des biais attentionnels pour explorer les effets de la spécialisation hémisphérique. En effet, comme cela a été mentionné précédemment dans ce chapitre, Mondor et Bryden (1991, 1992) avaient remis en cause la procédure expérimentale du paradigme d’« attention forcée » ainsi que la nature des indices verbaux employés. Tout d’abord, pour ces chercheurs, l’influence des facteurs attentionnels serait moindre dans les protocoles expérimentaux orientant l’attention des participants pendant plusieurs essais vers la même oreille plutôt que dans ceux orientant aléatoirement l’attention des participants vers leur oreille gauche ou vers leur oreille droite (Asbjørnsen & Hugdahl, 1995; Murray, Allard, & Bryden, 1988). De plus, Mondor et Bryden (1991) supposaient que les indices verbaux initiaient trop fortement la mise en place de stratégies volontaires d’orientation de l’attention (tels que des stratégies d’orientation de l’attention via les mouvements oculaires), et par conséquent interféraient dans la production des réponses observées en pré-activant des processus ascendants top-down (Posner & Petersen, 1990) ainsi qu’en pré-activant l’hémisphère cérébral gauche (Kimura, 1961). Pour Mondor et Bryden, (1991, 1992), orienter l’attention des participants au moyen d’indices sonores, sollicitant plutôt des processus bottom-up, permettrait de limiter au mieux l’influence de ces stratégies. Les résultats obtenus pour l’identification de stimuli verbaux, chez des adultes, ont montré l’effet bénéfique des avertisseurs sonores sur les capacités d’orientation de l’attention : en condition FR, une augmentation du REA a été observée par rapport à une condition NF, mais en condition FL, une augmentation du LEA a été observée pour des SOAs allant de 150 ms à 450 ms (Gadea & Espert, 2009; Obrzut et al., 2006; Voyer & Flight, 2001).

Ainsi, pour orienter efficacement l’attention des participants et leur permettre de mettre en place un contrôle cognitif de qualité, les conclusions précédemment citées insistent sur l’importance de l’introduction d’un délai optimal de latence entre la présentation des avertisseurs sonores et des stimuli. Les études du domaine de la perception visuelle relatent par ailleurs ces mêmes observations lors de l’utilisation d’indices centraux (endogènes) et périphériques (exogènes) d’orientation de l’attention (Leclercq & Siéroff, 2012; Müller & Rabbit, 1989; Pearson & Lane, 1990; Wainwright & Bryson, 2002, 2005). Si de nombreuses études utilisant le paradigme d’écoute dichotique ont continué d’évaluer l’effet des SOAs sur les performances d’orientation de l’attention à la suite de l’apparition d’indices sonores, aucune étude à notre connaissance n’a proposé d’aborder leur effet sur des indices verbaux. Par conséquent, notre troisième étude a pour objectif de contrôler l’effet de l’introduction de trois SOAs différents (de durée plus ou moins longue) entre l’apparition des deux types d’avertisseurs sonores et verbaux et la présentation des paires dichotiques.

5.4. Étude 4. Effet de la nature des stimuli

Les auteurs des modèles de MdT évoqués précédemment (Engle & Kane, 2004; Kane, Conway, Hambrick, & Engle, 2007) supposent que la capacité de traitement en mémoire de travail des individus détermine leur capacité individuelle de contrôle cognitif. Par transposition, lors du traitement de stimuli en situation d’écoute dichotique, des individus ayant une faible capacité en mémoire de travail possèderaient moins de ressources disponibles pour la mise en œuvre d’un contrôle cognitif efficace en comparaison avec des individus ayant une capacité en mémoire de travail plus élevée.

Les nombreuses études effectuées en situation d’écoute dichotique ont, en effet, permis d’évaluer l’impact de différents types de stimuli verbaux sur les performances d’identification et de contrôle cognitif des participants (e.g., Arcuili et al., 2010; Russell & Voyer, 2004; Westerhausen, Helland, Ofte, & Hugdahl, 2010). Selon leur niveau de difficulté ou leur contenu lexical, ces stimuli semblent être plus ou moins bien traités (e.g., Findlen & Roup, 2011; Moncrieff, 2011; Obrzut et al., 1986).

Prenant en considération le fait que les jeunes enfants présentent une capacité en mémoire de travail plus faible que celle des adultes (Gathercole, Pickering, Ambridge, & Wearing, 2004), nous avons jugé nécessaire d’évaluer une fois encore, au sein de notre protocole expérimental, l’effet de la nature des stimuli verbaux sur les performances d’identification des enfants. En contrôlant cet effet, nous souhaitons ainsi déterminer dans une quatrième étude, d’une part le rôle du traitement de ces stimuli sur l’asymétrie des réponses observées et, d’autre part, le rôle des avertisseurs sur ces mêmes réponses.